Jean Pierre Ceton
romans

FICTIONS EN LIGNE

LA VOYANTE ET RIMBAUD

Je m'en allais de ce festival et, en principe, je pouvais retrouver dans le train quelques-uns des participants. C'était un dimanche de fin d'après-midi, le train était plein, en tout cas apparemment réservé dans toutes ces places. Je découvre la mienne qui est celle d'un siège isolé avec une place en face, vide...
Aussitôt, je me suis mis à me tortiller corps et cortex, d'abord parce que j'étais assis dans le sens opposé à la marche, ensuite parce que je cherchais déjà l'issue possible à une difficulté qui ne manquerait pas de survenir. 
Cependant je me suis installé à lire et attendre l'heure du départ du train. 
Attendre en réalité la personne qui allait s'installer devant moi, s'il se pouvait que ce soit quelqu'un que je connaissais ou sinon, via ma naïveté légendaire, que je viendrais à connaitre. 
D'abord, c'est un enfant qui s'est assis devant moi, sur ce siège censé être sa place. Mais pas longtemps, cela ne lui convenait pas, il était en effet accompagné d'un copain dont la place était située à dix sièges de là... 
Peu après j'entends le père de l'un des deux enfants qui négocie avec une femme dont je capte la voix mure et qui tout de suite accepte de changer de place... 
De fait je découvre un personnage de vieille femme, à l'allure aristo d'en avoir pas mal vécu, qui déboule en ma direction et s'assoit devant moi. 
Elle a un côté rossignol, chapeau à fleurs, foulard bourgeons, ses vêtements excentriques étant manifestement un peu sales. De loin les couleurs variées peuvent faire illusion mais de près la veste blanche est couverte de taches, tout comme elle a l'entour des lèvres ombré de rouge à lèvres mal étalé et le tour des yeux noirci irrégulièrement... 
Tout de suite elle me décline son âge, 87, et son job, elle est... «Je suis voyante»... 
Elle dit aussi qu'à 11 ans elle était myope, à 50, presbyte, tandis que maintenant elle voit très bien sans devoir se servir de lunettes... 
Il se trouve que je porte moi des lunettes noires de soleil qui me protègent de la lumière de cette fin d'après-midi autant que du regard des autres. 
Elle me demande de retirer mes lunettes, comme ça, d'autorité: vous pouvez retirer vos lunettes? 
Elle a la force pour elle, de celle qui peut voir, elle tient donc pardessus tout à voir mes yeux, ou plutôt ce que je cache. 
Ces lunettes l'empêcheraient de voir, elle la voyante, je me dis? En tout cas je me sens libre de ne pas me justifier mais lui réponds néanmoins que je suis fatigué... Est-ce que je serais toujours fatigué, elle questionne? 
Voilà qu'elle entame sa consultation, si je suis toujours fatigué, elle peut en chercher une cause vitale, générale, de vie. Elle pourra savoir pourquoi. Voir, je présume? 
Aussi sec elle s'embarque sur un cas qu'elle peut me raconter, s'agissait d'une jeune fille souffrante, avait bien vu tout de suite qu'elle avait un handicap de naissance... 
Je lui dis que je ne suis pas fatigué toujours, que je le suis seulement aujourdhui, trop peu dormi les nuits précédentes... 
Est-ce que j'avais des insomnies? Elle non, n'en a jamais eu, désormais avec l'âge elle dort moins, ça ne la dérange pas, juste peur de s'ennuyer la nuit, alors elle se lève tôt et se couche tard. Ce qui est vraiment dommage, c'est que maintenant il n'y a plus rien de bien à la télévision, sauf la chaine première où il y a souvent du bon théâtre, enfin elle s'en moque, elle a seulement peur de s'ennuyer, sinon elle dort bien... D'ailleurs elle va se reposer un moment, si cela ne me dérange pas, elle a l'habitude de faire une petite sieste dès qu'elle peut, pas longtemps... 
Ce qui l'embête dans ce train c'est que, comme je suis assis en face d'elle et que les sièges sont serrés, elle ne va pas pouvoir allonger ses jambes pour bien se reposer. Sauf si je me décalais un peu pour qu'elle pose ses pieds sur le bord de mon siège... 
Là j'ai illico retiré mes lunettes et me suis mis à scanner autour de moi s'il restait des places libres, même de celles qui risquaient d'être occupées au prochain arrêt du train... 
J'avais dans la tête la phrase de Rimbaud: «Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant...» 
J'ai changé de place, une jeune femme m'a proposé celle qu'elle avait réservée mais n'utilisait pas car elle préférait s'installer près de la soute à bagages... La voyante a pu allonger ses jambes. 
La phrase de Rimbaud se répétait à la recherche de la suite: «Se faire voyant, se rendre voyant... par les dérèglements de tous les sens». 
Plus tard, à l'approche du terminus, la voyante est revenue me voir, voulait me parler. Elle voulait surtout s'excuser d'avoir dormi, elle se rendait à un salon international de la voyance, il fallait qu'elle se repose avant... 
En fait revenue voir mes yeux, puisque je n'avais pas rechaussé mes «lunettes de théâtre» elle a dit en riant vers moi, comme si elle avait compris que j'étais une sorte de voyant. 
J'étais à mon tour dans la force, sa voyance n'était que de la peccadille par rapport à celle de Rimbaud... 
J'y ai repensé un jour, à un moment où ayant légèrement perdu le fil de mon propos, j'avais lancé que ce qui m'intéressait, c'était le dérapage idéologique en ce qu'il pouvait provoquer l'émergence d'intelligence.

ENFERMÉS DANS UN JARDIN

C'était à une sortie de cinéma dans le quartier de Montmartre. Venait d'être projeté un film documentaire sur une pièce de théâtre de Nathalie Sarraute, montée par Claude Régy.  La pièce s'appelait Pour un oui ou pour un non.
A la fin du film, Lou et moi, la lumière tout juste revenue, avons aussitôt voulu sortir de la salle de cinéma. Peut-être qu'il n'y avait pas dans la salle les gens qu'on aurait voulu voir ou, au contraire, s'y trouvaient des gens comme le réalisateur du film à qui on ne se sentait pas vraiment en mesure de dire nos impressions qui ne sont pas toujours faciles à exprimer illico presto...
Peut-être que nous étions seulement dans le désir de nous échapper pour profiter de ce soir d'été.
Car s'il faisait encore jour quand on s'était enfoncés dans cette salle obscure, la nuit devait désormais être tombée sans qu'on puisse rien en savoir depuis ce sous-sol.
On s'est donc retrouvés dans des escaliers menant vers la surface en compagnie d'un couple, en l'occurrence d'un homme et d'une femme qui eux aussi remontaient vivement à la recherche de la première issue... Le cas de le dire, nous avons poussé une porte qui s'est refermée lourdement dernière nous.
Nous, c'est à dire quatre personnes qui se sont alors manifestement relâchées de retrouver l'air libre d'un soir d'été en effet. Au moins en un premier temps.
Je ne saurais dire qui avait poussé cette porte, induisant en conséquence les autres en erreur, car c'en été une. Lui, cet homme ou la jeune femme qui l'accompagnait, ou bien Lou ou moi. Il faut reconnaitre que ce sont souvent les hommes qui font cette démarche de pousser une porte et de la maintenir ouverte pour laisser passer les filles...
Dès le pied dehors, nous aurions pu nous extasier au spectacle du lieu où nous venions de débarquer. L'endroit était beau, respirant calme et sérénité, on aurait dit avant le Nouveau Roman. 
Nous aurions pu également nous présenter respectivement, ce que nous n'avons pas fait. En réalité j'avais vite identifié l'autre "couple", il s'agissait du cinéaste Alain Cavalier et de sa comédienne du moment qui jouait Thérèse dans son dernier film du même nom. Thérèse de l'enfant Jésus et de la sainte face, de Lisieux en tout cas.
Ça que je ne peux oublier, ma pensée subitement revenue sur Lisieux.
Petit, j'allais avec ma famille en bord de mer passer la journée, parfois deux ou trois, et à l'aller ou au retour toujours nous nous arrêtions à Lisieux, pour une visite obligée à la dite basilique de Lisieux dont je sais maintenant que la construction avait été inspirée par celle de Montmartre. Toutes deux financées par souscription, sans que je sache si pour Lisieux c'avait été aussi pour expier des péchés, tels ceux qui avaient mené aux malheurs de 1870 en ce qui concernait la basilique de Montmartre...
Elle était proche justement, cette basilique, nous pouvions en apercevoir les hauteurs depuis ce petit jardin où nous nous sommes retrouvés seuls, les quatre personnes précitées.
Un petit jardin sans banc, avec des éclairages au sol, manifestement plus conçu pour le regard que pour une pratique de parcours, mais quadrillé quand même de petites allées, vite arpentées par Cavalier et Thérèse qui devaient avoir un rendez-vous urgent pour se précipiter vivement vers l'autre extrémité où se trouvait une porte d'immeuble qui semblait devoir conduire vers l'extérieur.
Sauf que cette porte s'est révélée être fermée, verrouillée, ainsi que je l'ai compris en voyant Cavalier s'escrimer en vain à l'ouvrir et que je l'ai constaté tout autant, après avoir essayé à mon tour, pas le moindre truc d'ouverture, pas de code? Non.
Nous étions donc enfermés dans ce jardin.
Ni une ni deux, Cavalier et Thérèse sont alors partis à rebours vers la porte du cinéma et sans hésiter nous les avons suivis. Je dois dire qu'au début ils donnaient l'impression de ne pas vouloir faire comme si nous étions ensemble, tout au contraire faire comme si nous n'étions pas dans le même bateau. Et pourtant...
La porte du cinéma sinon lourde, en tout cas solide de métal, était fermée et ne présentait pas de système apparent d'ouverture de ce côté-ci du jardin. Elle ne s'ouvrait manifestement que de l'intérieur, admettre qu'il s'agissait seulement d'une issue de secours que nous avions ouverte à tort, que donc nous n'aurions pas dû utiliser mais au lieu de cela remonter davantage l'escalier pour atteindre une sortie qui ne soit pas seulement de secours...
Cette explication donnée à nos compagnons de galère avait pu leur paraitre plausible, encore qu'elle leur a, sans sourire ni acquiescement, provoqué à nouveau un départ, subit et nerveux, vers l'autre issue possible de sortie, cependant déjà testée...
Sans doute suite à ce mouvement qu'ont fait Cavalier et Thérèse de retourner derechef vers l'autre extrémité du jardin, alors que la porte était d'évidence fermée, qu'un fou rire inextinguible m'a attrapé et possédé entièrement au point que je l'ai communiqué aussitôt à Lou.
Sans doute le fait qu'ils retournent vers cette autre porte, donc qu'ils se comportent comme bêtes pris dans souricière, qui m'avait paru aussi drôle qu'absurde. D'autant que s'était présentée à moi l'idée qu'il n'y avait peut-être pas de solution à ce qui ressemblait de plus en plus à une énigme...
Nos rires ont paru exaspérer l'autre couple, au moins rendre mal à l'aise Cavalier et surprendre Thérèse. Qu'est-ce donc qui leur arrivait, qu'ils s'arrêtaient pour nous regarder rire avant de repartir, puis de se retourner tout en marchant, finalement nous attendant comme si cette fois ils considéraient que nous en étions, de la même galère?
Quand nous les avons rejoints, jusqu'à nous bloquer tous quatre devant la porte de l'immeuble, j'ai tenté de m'expliquer, mais mon rire prenait le dessus. J'ai essayé de m'excuser, c'était pire, un fou rire reparti de plus belle ne me faisait expulser que des voyelles bégayées...
Surtout que le ballet recommençait, voilà qu'ils avaient décidé de repartir vers le cinéma, pourtant porte fermée c'était sûr, bien qu'à un moment je m'étais mis à espérer qu'elle s'ouvre pour nous libérer.
Au-delà de mon rire toujours réarmé, j'aurais voulu parler avec Cavalier, au fond discuter rationnellement de comment on aurait pu se sortir de cette situation absurde, mais il ne semblait pas s'y décider. Pas du tout.
Au lieu de cela, Cavalier s'était mis à taper des poings sur la porte métallique espérant que quelqu'un entendrait de l'intérieur et lui ouvrirait... Peine perdue, comme pain sec, le public de la projection privée avait largement eu le temps de quitter la salle si toutefois le son avait pu passer de l'autre côté.
Sauf qu'à force de taper sur la porte du cinéma en hurlant «ouvrez!», une silhouette nous est apparue derrière une fenêtre de l'immeuble qui jusqu'à maintenant nous avait semblé n'être qu'une façade factice tant aucune vie ne semblait l'habiter.
Aussitôt nous quatre comme un nous sommes rapprochés de l'immeuble, haranguant d'en bas cette silhouette pour qu'elle descende nous ouvrir ou simplement qu'elle ouvre sa fenêtre pour qu'on puisse se parler. 
Lou qui m'a fait remarquer qu'elle était ouverte sa fenêtre, la seule à l'être d'ailleurs...
Une femme comédienne, du moins habillée en comédienne, c'est-à-dire en costume historique ancien, d'une voix de comédienne articulant exagérément a dit qu'elle pouvait difficilement communiquer le code, qu'il faudrait pour cela que tous les collègues locataires donnent leur accord... et que ça c'était vraiment compliqué... que cela risquait de demander une bonne semaine pour le moins...
Là qu'un petit miracle s'est opéré, la vingtaine de fenêtres de cette façade se sont alors toutes allumées les unes après les autres, laissant découvrir des gens à leurs fenêtres, qui étaient précédemment rendus invisibles de l'extérieur par un moyen technique quelconque.
Ils ont semblé donner leur accord à l'unanimité et là de sa voix de comédienne elle s'est écriée: le code vocal, c'est « ouvrez ».
Et elle a en effet prononcé distinctement: « Ou-vr-ez »...
Suivi de Thérèse, Cavalier s'est précipité vers la porte qui comme par enchantement était déjà ouverte.

LA FANTÔME DE MONTREAL

En général, les gens disent « le » fantôme, jamais « la » fantôme, quand bien même il pourrait s'agir d'une créature féminine.
A Montréal, Lou et moi, on mangeait tous les jours des homards que des pêcheurs de mer nous vendaient frais sortis de l'eau pour trois fois rien. On dormait le jour ou la nuit, indifféremment, c'était comme on voulait, les journées pareillement pouvaient être nocturnes, on était des amants en villégiature de la vie. Chaque heure des 24 heures, on errait a travers les échoppes de la ville souterraine ou bien on se rendait dans les réserves indiennes pour acheter des cigarettes et autres babioles pas chères. Ou, le plus souvent, on montait sur le Mont Royal pour y déguster des boissons locales, et aussi pour essayer de s'y retrouver un peu dans cette ville dont on comprenait la langue mais pas tellement plus. Un peu pour ça qu'on y vivait à deux comme si on était un, et c'est ainsi que le temps nous appartenait comme on s'appartenait l'un à l'autre...
Je crois bien qu'on s'était tenu la main durant trois mois tant on était resté l'un près de l'autre, proche en toutes circonstances, uni comme deux êtres peuvent l'être en yin et en yang!
Pourtant on se connaissait déjà depuis trois ans au moins.
« Trois ans? it's seem so fresh! » avait rétorqué la fille du café de l'Odéon qui n'en croyait pas son cerveau.
Et puis, un jour, Lou était partie. En fait elle était rentrée quelques jours avant moi. On n'avait pas pu voyager ensemble, en tout cas pas sur le même vol ni à la même date, pourquoi? je n'en connais plus les raisons.
Donc je m'étais retrouvé seul quelques jours. Oh, bien sûr j'avais plusieurs bons amis qui n'avaient pas voulu me laisser seul ni me quitter d'ailleurs. Mais, sans Lou, je ne reconnaissais plus ces amis qu'on avait connus ensemble.
Je me suis mis à errer seul dans cette ville, jamais perçue autant étrangère alors qu'elle m'avait paru si familière durant tout mon séjour.
Au début de l'après midi du jour où j'avais accompagné Lou à l'aéroport, j'avais croisé la fantôme. Enfin j'ai cru croiser cette femme, boitant fortement, qui habitait en face de chez moi à mon adresse parisienne.
En fait où elle habitait, je m'étais dit d'abord, prenant conscience que je ne l'avais plus vue dans les derniers temps avant mon départ. Donc je ne savais plus si elle y habitait toujours dans ma rue parisienne qui par conséquent était la sienne également...
Comme je l'avais aperçue à nouveau, en repassant à l'hôtel vérifier si Lou n'avait pas emporter mon passeport, j'avais pensé que cete femme claudicante s'était peut-être installée à Montréal... Ou alors, qu'elle y était venue quelques jours, quelques semaines comme moi, en touriste ou pour des vacances.
Oui, mais vite surgie la drôle d'idée oui, quand je l'avais revue le lendemain matin tôt, qu'elle était là parce qu'en fait elle me suivait, parce qu'elle allait partout où j'allais...
Bon je savais que c'était stupide de penser ça. Mais l'idée avait surgi et s'était installée et même confortée!
Ce qui me troublait, c'est que cette femme me soit apparue justement quand Lou était partie. En effet si elle habitait désormais Montréal, et même dans le quartier où j'habitais, j'aurais pu la rencontrer bien avant le départ de Lou... Sauf à penser que étant tellement toujours dans notre entre-deux fortifié, elle avait pu passer repasser près de nous sans qu'on lui porte attention.
C'est vrai que Lou et moi on se gardait, on se gardait tous les deux contre tout. Contre l'hostilité, contre la prédation, contre l'enfer du monde?
Je ne l'avais jamais pensé comme ça. Avant je voyais l'affaire sous l'angle du sauvetage. Il s'agissait de se sauver. On se sauvait l'un l'autre. De quoi? Vers quoi? Comme d'autres disaient qu'il fallait s'en sortir. De quoi? Mais de tout!
Les derniers jours j'avais continué de marcher à vive allure dans les rues de Montréal, comme si j'avais été avec Lou qui savait marcher vite. Oui mais là, seul, je m'étais rendu compte combien cette ville n'était pas faite pour les marcheurs. Trop grande, trop de distance entre les points d'intérêt, et pas de trottoirs le long des grands boulevards...
Cette fois donc, je marchais en souffrance, puisque je marchais seul.
J'avais donc petit à petit restreint mes sorties à l'échelle de mon quartier. Me rendant vite compte qu'en fait on l'avait très peu pratiqué avec Lou parce que sans cesse attirés par des projets dans d'autres quartiers, des spectacles, des invitations, des visites, des rendez-vous...
Le dernier jour, j'ai pris conscience que j'étais en train de la chercher, je me suis vu qui recherchais la fantôme.
Je l'avais nommée comme ça après avoir cru la revoir à plusieurs reprises, sans en être tout à fait sûr. Peut-être que j'avais trop visualisé sa silhouette claudicante et parvenait à la voir par une sorte d'illusion-effet de mémoire.
Drôle qu'il ne me soit pas venu que ce pouvait être une sosie, simplement une sosie de celle que j'avais régulièrement croisée dans ma rue parisienne. Des gens se ressemblant pouvaient claudiquer, même si c'était plutôt rare, dans des villes différentes.
En attendant la voiture qui devait me conduire à l'aéroport, je l'ai aperçue qui déambulait de l'autre coté de la rue et je m'apprêtais à aller lui demander si elle avait encore son pied-à-terre à Paris quand hélas la voiture est arrivée. Le temps de parler avec le conducteur, pour le faire patienter, elle avait disparu. Monté dans la voiture, espérant qu'on allait la ratrapper, j'ai regardé tout autour de moi, dans toutes les directions, tandis que la voiture démarrait, vainement.
Il y a peu de temps, des années après, je l'ai croisée dans mon quartier parisien.
La première fois cela m'avait paru normal. J'étais à Paris, elle aussi. Ensuite j'y ai vu comme une apparition, en tout cas je ne réagissais qu'une fois la fantôme éloignée...
Normal, j'étais trop triste de repenser à Lou que je ne voyais plus. Juste je retrouvais en fulgurance la sensation de sa main que je tenais, ou bien de la façon dont elle serrait la mienne, tandis que nous marchions en errance légère et svelte, ou bien que nous volions dans les avions intercontinentaux, ou que nous dormions durant toutes ces nuits que nous avons passées à deux s'aimant.
Un soir, alors que j'avais bien vu que c'était elle, et la même qu'à Montréal, j'ai réglé l'affaire.
Il suffisait d'accepter la présence de cette fantôme, elle pouvait bien me croiser quand elle voulait et où elle voulait. A New York ou à Vladivostok! De toute façon j'avais le choix d'aller où je voulais.




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