Jean Pierre Ceton
Ecrivain (writer, escritor) de langue française, auteur de romans (novels, novelas), textes, dialogues, récits ...
Dirige la revue littéraire en ligne lettreaulecteur.com
romans

LETTRE AU LECTEUR 3a

Une langue qui vivrait //
suivi de "Plus d'histoires"

Défendre la langue, si j’ose dire, n’est plus suffisant pour la défendre.
Il faudrait même que les défenseurs de la langue française, ceux qui veulent lui conserver «sa» pureté du 17e ou 18e siècle, se rendent compte qu’ils sont en train de la «suicider».
A l’origine de cette attitude de défense, il y a selon moi une conviction puérile, selon laquelle ce qui vient du temps passé est meilleur que ce qui pourrait advenir.
Je dis : Pourquoi ne faudrait-il pas changer cette langue alors qu’elle a en réalité toujours changé ?
Elle a beaucoup changé, me répond-t-on, mais moins depuis un siècle, comme si elle s’était stabilisée, comme si elle était arrivée à maturité. Parvenue à une sorte de perfection, se reprend le Monsieur.
D’abord je pense : Est-ce qu’une langue peut exister en dehors du temps ?
Puis : Quelle vision de la vie ont donc ces gens pour croire qu’une langue puisse être mûre au point de ne plus changer tandis que la vie de ceux qui la parlent ne cesse de se modifier ?
Je mets en avant la contradiction existant entre les logiques contemporaines objectives et les logiques des règles du français, bien antérieures aux logiques d’information…
Je me défends : Non il ne s’agit pas d’imposer une logique mathématique à la langue mais de l’accorder aux logiques de la vie contemporaine. On ne peut pas demander aux enfants d’être logiques dans leur raisonnement et persister à les punir s’ils ne respectent pas des règles illogiques et souvent contradictoires…
J’insiste : Il s’agit bien de promouvoir une libération de la langue, comme on a dit la libération des corps.
La libération de la langue c’est écrire ce que l’on dit, vit et rêve.
C’est s’approprier la langue comme on devrait le faire de notre santé, de nos amours et de nos destins. C’est choisir de l’inventer, donc sortir de la répétition séculaire.
C’est d’abord se libérer du péché de la faute, résultant du non respect de règles formelles obsolètes. Et refuser le plaisir pervers des pièges à fautes des dictées de l’école ou des jeux télévisés.
C’est aussi comprendre que la grammaire n’est pas «table de la Loi» mais l’histoire d’une pratique. C’est donc libérer la langue de formes archaïques afin d’éviter la séparation croissante entre langue parlée et langue écrite, et bientôt entre la langue de l’écrit du livre et celle de l’écrit d’internet.
C’est choisir d’y introduire des connaissances nouvelles au risque d’abandonner des formes anciennes, tout comme il faudrait se séparer de la mère Histoire, en douceur, pourquoi pas? comme d’une mère trop aimée dont on sait cependant qu’il faut la quitter pour vivre sa vie.
La libération de la langue entraînerait une révolution mentale dont on ressent tous le besoin, même si l’on peut en craindre la disparition du «soi» que nous sommes en ce moment.

19/06/1998   / tous droits réservés  / textes reproductibles sur demande / m. à  j. 13/11/2008



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LETTRE AU LECTEUR 3a

Plus d'histoires //

Il n’y a plus d’Histoire, ou bien nous l’avons quittée.
On le sent, on le sait que l’Histoire s’efface sous nos pas.
A chaque archive disponible, nous découvrons notre Histoire comme si nous n’en avions jamais été.
Et commençons ainsi d’avoir un sérieux recul pour la juger.
Même si l’Histoire a été belle dans sa fureur, elle nous apparait en effet être une histoire de cruauté et de prédation. D’esclavage et de domination. D’ignorance et de mégalomanie autocentrée.
Découvrir ce qu’a été l’Histoire expliquerait d’ailleurs pour une part la dépression «fin de siècle» qui semble atteindre les populations de toutes les cultures.
Pourtant je ne clame pas la fin de l’Histoire, ce serait aussi ridicule que d'imaginer avoir décrété la fin de la pré-Histoire au début de l'Histoire....
Je dis qu’une phrase mille fois répétée, selon quoi le monde moderne serait déshumanisé, pourrait bien se renverser.
Il se pourrait en effet qu’un monde humain se construise, c’est à dire selon l’humain. Il se pourrait que le monde enfin s’humanise après avoir été tellement naturel.
Tout comme la naissance de l’écrit a désigné le début l’Histoire, aujourd’hui se libérer de l’Histoire, la transgresser dans un sens général d’écriture, par un développement inouï de l'écrit, serait pour l’humain opérer un nouveau sursaut mental.
Ce serait résolument inventer le monde de l’humanité.
En tout cas, s’il n’y a plus d’Histoire, cessons donc de nous faire des histoires pour rien.


19/06/1998   / tous droits réservés  / textes reproductibles sur demande / m. à  j. 13/11/2008



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