Jean Pierre Ceton
Ecrivain (writer, escritor) de langue Française, auteur de romans (novels, novelas), textes, dialogues, récits,...
Dirige la revue littéraire en ligne lettreaulecteur.com
romans

LETTRE AU LECTEUR 17

Desintégration des concepts historiques //

Après la désintégration de la navette Columbia, certains citeront une fois de plus Hannah Arendt, normalement pour comprendre quelque chose à quelque chose, en fait, rien à rien.*
L’aventure spatiale est dangereuse, mais en 40 ans elle a causé la mort de 18 aventuriers de l’espace, soit à peu près le nombre de morts sur les routes de France en une journée. Hier 40 morts dans un déraillement de train au Zimbabwe, ce matin 30 morts dans l’incendie d’un hôtel en Chine, ce soir 20 morts dans l’explosion d’une banque au Nigéria… On ne peut pas compter le nombre d’hommes qui ont péri sur les mers de l’Histoire et ce depuis les moindres débuts de la navigation.
"Plus loin que nous ne pouvons voir, il y a l’espoir", a clamé le président américain signifiant que la fascination des hommes pour ce qui se passe plus loin dans l’espace avait quelque chose à voir avec Dieu. Ce qui repose sur l’antique représentation selon quoi Dieu se trouve au ciel, et le ciel en haut.
La navette s’est désintégrée, le langage se désintègre aussi. Pendant des siècles on a dit «le très haut» pour parler du ciel et des divinités. Depuis déjà une décennie au moins, sans doute en raison de cette aventure humaine spatiale, le catéchisme catholique ne parle plus de «là-haut» pour désigner le paradis bien qu’il persiste à parler d’en-bas pour localiser l’enfer. On assiste à une désintégration des concepts historiques. Pas de haut dans l’univers, ni de bas, à peine de droite et de gauche, pas plus d’envers et d’endroit ou de recto et verso. Mais de l’énergie et de la distance, de l’appartenance ou non à des systèmes…
Il y a quelque chose de très triste dans la mort des astronautes. Sans avoir à juger de leur histoire personnelle, en dehors même de toute qualité d’être, c’étaient des humains pleins de savoir, des organismes incroyablement complexes…
Leur mort par désintégration nous renvoie à notre propre mort, elle figure la disparition. Il y avait, il n’y a plus. En fait il ne faudrait pas mourir.
Sortir de la Terre, l’observer de l’extérieur et surtout mourir en dehors de la Terre constituent des limites tout à fait récemment transgressées qui désintégrent nos concepts les plus historiques. Comment expliquer la désintégration de la navette revenant sur Terre au grand Platon? Comment expliquer au sage Socrate la mort non-terrestre de ces astronautes? Comment l’expliquer dans leur langage à eux, dans le nôtre ils n'auraient pas pu comprendre !
Il y a quelque chose de triste dans la désintégration de la Columbia mais pas dans la désintégration des concepts historiques, donc de ces vieux mots et de ces visions si limitées qui allaient avec…
On savait qu’il n’était pas facile de sortir de la Terre, on sait maintenant combien il est finalement difficile d‘y revenir. Par conséquent d’y venir, avis aux extra terrestres !
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* Hannah Arendt est une auteure bien trop intelligente pour être citée à tort et à travers. Elle était surtout tellement libre des normes et croyances de son temps que quiconque la cite pour étayer son propre raisonnement devrait d'abord se débarasser de son académisme...

04/02/03  / tous droits réservés / texte reproductible sur demande / m. à  j. 05/12/07


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