Jean Pierre Ceton
romans

LE BLOG DATE : notes des jours, chaque jour, parfois ou presque...

2012 // 2011 // 2010 // 2009 // 2-08 // 1-08 // 2-07 // 1-07 // COMP'ACT 06 m'écrire

Il faut s'indigner, dit Stéphane Hessel. C'est certainement bien et utile d'avoir cette capacité-là. Mais on peut aussi s'indigner de tout et de n'importe quoi, à tort et à travers.
Par exemple, Il y a des adultes qui s'indignent du comportement des jeunes gens. Sur Facebook, beaucoup s'indignent régulièrement à propos d'informations qui se révèlent être fausses.
Et puis on peut s'indigner que des humains dorment de nos jours dans la rue et que cette indignation, largement partagée, ne donne pas grand chose. Pareil si on s'indigne du fait que des femmes sont pendues en Iran etc.
Il peut y avoir aussi des indignations contradictoires, ainsi des gens s'indignent que la burqua soit portée et d'autres qu'elle soit interdite etc.
Il faut résister, résister dit Unetelle, mais il y a des gens qui résistent contre ce que vous croyez, vous, être positif. Ainsi certains font de la résistance contre Wikipédia quand d'autres y voient la continuation de l'entreprise de Diderot.
Voyez tous ces gens de l'histoire qui ont résisté aux innovations avant de s'y mettre malgré tout.
Qui était en résistance? Galilée et Pasteur etc. Ou ceux qui s'opposaient à eux?
Du coup ce peut-être imbécile de résister pour résister
En fait oui, il faut s'indigner, mais ça ne suffit pas. Ainsi on peut s'indigner que soient remis en cause les acquis de 1945, notamment sur la sécurité sociale. Mais il faudrait certainement aussi en venir à la libération de la santé, à mettre en avant ce qui conduit à la maladie, de sorte que chacun prenne en charge sa santé, autant que possible, comme cela est en train d'apparaitre via internet...
Il n'empêche qu'il faut savoir résister. A l'occupant, au dictateur, au harceleur, sans doute. A l'inertie, à l'injustice, à la bêtise... Sachant le risque de se tromper, et même de s'entêter!

« S'il y a bien une chose qu'on est une multitude à partager, c'est d'en avoir assez d'aller dans la direction prise » écrit Nathalie de St Phalle (exposition Joerg Huber), qui ne fait pas ici référence à la politique du président français actuel.
Le problème est que cette phrase pourrait être signée en effet par beaucoup, et certainement par tous ceux qui pensent que le monde est pire qu'il était et/ou qu'il était mieux avant.
En fait « la direction prise » est une expression codée, comprise et partagée par tous les gens qui rejettent les nouvelles technologies, la numérisation, la mondialisation. Et qui critiquent tout à la fois la financiarisation, l'ultralibéralisme, les réglementations étatiques, la surveillance des citoyens etc.
La « direction prise », c'est aussi qu'il n'y aurait plus d'autorité, plus de respect, plus d'effort. Et même plus de courage (comme semble le dire Cynthia Fleury par le titre d'un de ses livres), c'est-à-dire moins. Comme s'il ne fallait pas du courage pour vivre sans certitude ni croyance... Presque en état d'expérimentation de vivre, dans quoi nous sommes désormais!

Dans la revue La règle du jeu, un article rend compte d'une invraisemblable soirée au café de Flore, soi-disant organisée pour fêter les 20 ans de la revue. Avec toute l'allure d'un pastiche, tant il est rédigé à la manière dont les journaux des années 1950 racontaient une soirée mondaine à St Germain-des-Près. Pour preuve ces enchainements de narration: "Bousculade à l’apparition de… Soudain, la machine s’emballe... Le couple culte de la littérature française... Bousculade à l’apparition de... Affolement des photographes... Coup de théâtre, on vient annoncer... La bousculade devient indescriptible... Le monde de l’édition arrive en force... Car il y a la queue, pour entrer, jusqu’aux Deux Magots et au-delà – quelle hérésie !"
Finalement on se dit que ce pourrait être vrai, qu'il y a bien eu cette fête, simplement que ces gens sont légers comme fétus de paille baladés du plafond de l'opéra jusque dans la fosse d'orchestre. On se dit alors que la défense de toutes les bonnes causes portées par cette Revue et son directeur B-H Lévy n'est qu'amusement, sorte de romantisme politique ou façon de se mettre en avant.
On se réjouit cependant si cela peut sauver Sakineh, cette iranienne menacée de lapidation, sauf qu'elle n'est pas la seule. La dernière semaine c'était une autre qui a été exécutée, pour des raisons similaires, comme l'atteste l'agence de presse Irna: «Yahed prayed prior to the hanging and then burst into tears»...

A une autre époque, fin 19e / début 20e -ou même à toutes autres époques-  les fuites de WikiLeaks auraient provoqué un ou plusieurs conflits armés.
Et pourtant on se rend compte qu'on y apprend à peu près ce qu'on savait déjà, sauf que ce n'est plus en langage diplomatique ou que c'est précisément comme les chefs politiques pensent au fond d'eux-mêmes. Il y a donc là un surgissement de vérité plutôt réjouissant.
On ressent même une sorte de soulagement de voir que les problèmes du monde sont ainsi traités, comme le font les baronnies de province, avec tous les sentiments dits humains, la peur, l'arrogance, la fourberie etc.
Ou bien à la manière dont les gens parlent de leur vie sur Facebook, laissant transparaitre leur rage, leur désir, leur fragilité...
Soulagement aussi de voir que ces problèmes du monde sont possiblement traitables de façon transparente et non plus cachée derrière des machines administrativo-politico-militaires redoutables.
Cela devrait constituer une étape non négligeable dans la mondialisation politique, à défaut d'en déclencher la nécessaire régulation économique.

Que va devenir le livre? On prédit désormais qu'il passera massivement au numérique dans les cinq ans qui viennent. L'édition papier continuant son existence parallèlement. Il est d'ailleurs possible qu'un nouveau public de lecteurs naisse de cette novation.
Mais le livre numérique, que va t-il devenir? Se transformer en contenu multimédia avec texte images et sons. Ou interactif, avec des procédures permettant au lecteur d'inventer plus ou moins le récit du livre... Il va changer c'est sûr, mais pas forcément dans ce sens-là.
Ce seront plutôt des changements qui se profilent déjà dans les textes mis en ligne. Des changements au fond, dans l'écriture, dans la langue et la syntaxe, peut-être avec des phrases plus courtes ou du texte plus dense en informations. Sans doute une plus grande rapidité de texte. Avec de nouvelles formes, de nouvelles expressions, s'éloignant donc des vieilles formes ou des vieilles expressions...
Ceci en correspondance avec une nouvelle façon de lire, en fait plus habile, contrairement à ce qui se dit sous le manteau. A l'image de ce qui s'est passé pour les sous-titres au cinéma, pendant longtemps, on ne traduisait pas tous les dialogues, arguant de ce que le spectateur n'aurait pas la capacité de tout lire...

Les bousculades de masse ne sont pas si rares, elles surviennent généralement à l'occasion de pèlerinages, lundi au Cambodge, c'était le festival annuel des eaux. Le point générateur n'est pas facile à décrire, à part que c'est un faible mouvement qui s'amplifie vers l'horreur.
En l'occurrence, on ne peut pas accuser la technique, le progrès ou je ne sais quel excès de la modernité. Non, on est dans des zones troubles de l'humain, qui relèvent de l'absurdité irrationnelle ou de la folie grégaire. Sauf à accuser le pont lui-même. D'ailleurs il semblerait que la décision de le détruire soit inévitable, déjà nommé le pont du malheur, les cambodgiens « très superstitieux » dit-on ne voudront plus l'emprunter...
Un prochain pont, techniquement forcèment plus élaboré, devrait éviter que des rumeurs sur l'effondrement possible du pont provoquent de nouvelles bousculades, mais ce n'est pas sûr du tout.

Roland Barthes, en son temps emmené par France Culture à Illiers-Combray pour commenter les lieux de Proust, en particulier la maison de Tante Léonie, répète avec gêne « il faut dire les choses comme elles sont »!
Car tout lui parait petit, mesquin, dérisoire. La salle à manger est minuscule, la cuisine impossible à replacer dans La Recherche, le parc du Pré Catelan est un jardin de paysan...
Du coup Barthes ne cesse de parler du pouvoir de transfiguration du réel par l'écriture. Ce qui produit en effet la littérature!

Je n'ai rien a dire sur les prix littéraires. Houellebecq, je n'aime pas beaucoup ce qu'il raconte, ni son univers, mais il écrit bien et il parvient à sortir des sommes qui tiennent debout. Il dit qu'il a particulièrement travaillé la fluidité de lecture pour ce dernier livre, bon ça devrait se vendre beaucoup, lui qui vendait déjà beaucoup.
Juste rappeler qu'il a dû supplier l'éditeur Maurice Nadeau (les autres n'en voulaient pas) et le tanner, sa femme et lui, pour qu'il publie son Extension du domaine de la lutte...

Entendu dans la rue, en passant ce : « Bon, on va pas lui jeter la pierre! ». Qui m'a renvoyé à la fameuse formule de Jésus : Que celui qui n'a pas péché lui jette la première pierre...
Phrase que je relis à cette pratique de la lapidation pour donner la mort, existant encore en Iran et en Afghanistan par exemple, et évidemment à la menace de lapidation de Sakineh, cette femme iranienne dont le destin est heureusement médiatisé de par le monde. Drôle que cette expression de la langue courante se découvre être une trace d'un lointain passé de l'histoire où la lapidation était un mode d'exécution répandu.
Trace parmi d'autres d'un passé lointain que cependant on véhicule souvent sans le savoir.

Ce qui est fatigant, dans les débats, c'est que selon son appartenance à tel ou tel parti, la personne que vous écoutez défendra forcément telle ou telle position. Elle passera donc par des formules simples et lapidaires, et peu par une explication raisonnable... Les fameux « plateaux » radio-télé où défilent une ribambelle de gens, en général beau-parleurs, et/ou les tribunes d' « opinions » publiées dans la presse sont marqués par cette prestation d'équilibriste, avoir l'air d'exposer une analyse réfléchie tout « en prêchant pour sa paroisse », comme dit Jérôme Beaujour. Rares sont ceux qui parviennent à y tenir un raisonnement objectif. Car même lorsqu'ils ont comme principe d'être rigoureux, à un moment ils se font piéger par un interlocuteur de mauvaise foi qui les entraine, au-delà de leur pensée, vers des zones de convictions.
Ces temps-ci, le plus fort c'est Attali, monsieur réponse à tout, non content de parler « sur » la personne qui parle, il dégaine un « vous n'avez pas lu mon rapport, vous ne pouvez pas en parler! » qui clôt toute discussion.

« Le lycéen sait bien que la société n'a plus aucune perspective enthousiasmante à lui offrir » (Robert Redeker), cette phrase parue dans une tribune (Le Monde 21/10/10) est pour moi proprement révoltante.
D'abord parce que c'est une phrase qui n'est pas pensée, mais balancée. Ensuite parce qu'elle impliquerait que les sociétés antérieures proposaient quelque chose à ses enfants. Et puis surtout parce qu'on pourrait tout à fait affirmer que jamais une société n'a autant offert à sa jeunesse!
Bien sûr il y a toute raison de se rebeller contre un monde qui devrait être mille fois mieux qu'il l'est et qui de ce fait peut rendre triste à en pleurer.
Il se trouve cependant que les jeunes gens d'aujourd'hui -à qui au moins on ne propose pas la guerre comme perspective, n'ont jamais eu autant accès aux études, à la formation, au sport, au loisir, au voyage, à la communication, à la photo... et à la connaissance, des universités aux musées en passant par des supports inimaginables il y a encore 30 ans (lire Proust sur iphone!). Sans compter le chemin sans fin des découvertes de cette connaissance du plus petit monde à l'univers. Chemin enthousiasmant.
Cette phrase qui est reprise par plein de gens de la génération d'après 68, implique semble-t-il que notre société n'offre pas facilement un bon boulot bien payé à tous comme c'était dans les années 60. En réalité idéalisées, ces années-là, où une minorité qui faisait des études trouvait facilement de bons jobs bien payés, tandis qu'une majorité qui ne faisait pas d'études était forcée à de mauvais jobs mal payés.
Il est vrai qu'à cette époque c'était une question qui était posée. Avec sa variante, est-ce qu'une société doit offrir une perspective d'une certain façon philosophique? Ma réponse serait plutôt non, qu'il ne faut pas que la société offre de perspective philosophique à sa jeunesse, même enthousiasmante. 

Une vidéo balancée sur le net, reprenant le discours d'un ancien ambassadeur chinois dont la traduction en français se révèle être un faux, fait dire aux observateurs que cela montre qu'il y a beaucoup de choses suspectes sur le net.
En vérité cela démontre surtout la forte propension de beaucoup de gens à croire tout ce qu'ils trouvent, du moment que cela va dans le sens de ce qu'ils veulent croire.

Lu, entendu: « Dans les années soixante, leurs parents avaient du boulot et ils avaient une retraite » qui est une déclinaison du slogan nostalgique (mythique ou mystificateur) selon quoi les enfants d'aujourd'hui seraient moins favorisés que leurs parents...
A part que la retraite était à 65 ans et que les pensions étaient faibles (on parlait des économiquement faibles) voire modiques pour certains, comme les paysans, seule une minorité des jeunes faisaient des études et les boulots étaient mal payés, sinon pourquoi donc auraient-ils fait Mai 68? Il est vrai qu'ils sortaient de la guerre d'Algérie, que le service militaire au mieux était à 16 mois etc. Et qu'ils n'avaient ni internet ni portable ni « smartphone »!
En quoi cela empêcherait cependant de donner aux jeunes d'aujourd'hui le droit de vote dès 16 ans?

La "première" à Trouville-sur-mer de « On ne peut pas avoir écrit Lol V... » a sans doute été la meilleure des représentations données depuis mars, même s'il y en avait eu d'excellentes. La plus belle, sans doute parce que c'était la "première", sans doute parce que les comédiens ont été très bons, et même brillants, sans doute parce qu'ils se sont sentis portés par cette "première" et par le public de cette "première" du 9/10/2010.
Ici, la transcription de ma présentation qui glisse vers l'instance du théâtre:
« ... Je suis vraiment heureux de vous présenter ces dialogues issus des Entretiens que j'étais venu enregistrer à Trouville, aux Roches noires, un début du mois d'octobre 1980, ce qui veut dire il y a déjà très longtemps... (dans la salle) « Trente ans! » / Oui, quasiment jour pour jour... Mais ce n'est pas cette sorte d'anniversaire qui me touche le plus.
Peu de temps après la première diffusion sur France Culture de ces Entretiens -qui depuis ont été plusieurs fois rediffusés, et encore récemment... Marguerite Duras m'avait dit, il faut qu'on en fasse quelque chose, il faut qu'on fasse quelque chose de ces Entretiens.
D'ailleurs quand Radio France lui a envoyé une copie de l'enregistrement, elle s'était mise à la transcrire elle-même, à la main, au stylo plume, en tout cas le début, à l'aide d'un petit appareil à cassettes, puisque c'était des K7 dans les années 80.
Ensuite elle m'avait fait parvenir quelques pages de cette transcription, je lui avais répondu, nous en avons reparlé plusieurs fois et puis le temps a passé, et je n'ai finalement jamais su ce qu'aurait pu être ce quelque chose qu'elle aurait voulu faire de ces Entretiens pour la radio.
C'est donc cela qui me touche particulièrement, ce quelquechose, ainsi des années après... que ces dialogues soient redonnés, et redonnés par des comédiens qui n'étaient pas nés en 1980...
Voici donc: « On ne peut pas avoir écrit Lol V Stein et désirer être encore à l'écrire »... qui commence par l'épisode de "la rencontre avec la vieille dame de la rue de Londres à Trouville", sachant qu'on ne sait pas qui avait provoqué cette rencontre ».
Dans le noir, la voix d'Aurélie Houguenade : « C'est moi! »... Puis, en pleine lumière: « C'est moi qui lui ai adressé la parole » etc... Le spectacle avait commencé.

Des mises à jour récentes de traitement de textes (en l'occurrence de open office) font que désormais l'accent circonflexe de apparaît, paraît ou plaît s'écrit par défaut.
Si vous avez la perversion de l'enlever, le correcteur n'indiquera pas de faute en accord avec la réforme -dite rectifications à l'orthographe de 1990, qui propose de ne pas mettre d'accent circonflexe sur le i sauf pour distinguer par exemple il croit et il croît.
Je persiste à me sentir en accord avec cette réforme pour la raison majeure que ces accents ne se prononcent plus comme dans chaines de télévision à la différence des chaînes de galériens.
Cette nouveauté m'enlève cependant un autre argument qui était que l'écriture de l'accent circonflexe n'est pas vraiment facile sur clavier, sans regret d'ailleurs et même je m'en réjouis.
Mais alors pourquoi ne pas faire en sorte que ces traitements de texte écrivent directement l'accent circonflexe sur le e de être, qui là aussi est compliqué à déclencher sur un si petit mot, si important et si souvent utilisé.
Et pourquoi pas sur le e de arrêter, et sur les o également. Bien sûr le plus tôt serait le mieux!

Dans la sphère francophone, les langues africaines et la langue arabe en particulier (donc marocaine, algérienne etc.) insèrent à chaque détour de phrases des mots ou expressions en français, ce sont souvent des mots contemporains ou techniques...
Étonnamment, et d'une manière un peu comparable, le français intégre des mots et expressions de l'anglais. Et bien au-delà de ceux devenus courants comme parking ou weekend, notamment dans les milieux spécialisés, informaticiens, scientifiques, universitaires en général, puisque l'anglais est leur langue de communication internationale. Parfois, on prévient d'un «comme on dit en anglais», ou on ajoute «comme le disent les Anglo-saxons».
Je ne crois pas qu'on dise, dans le premier cas, comme disent les français!

Entre les dirigeants de la Corée du nord et ceux des Farc de Colombie, par exemple, il n'y a sans doute pas grand chose de commun. Pourtant ces gens, convaincus du bien fondé de leur action, illustrent dramatiquement comment l'espèce humaine est capable de produire des mondes de complète folie qu'eux voient comme une normalité. Au point qu'ils ont comme objectif premier de les perpétuer...
Hélas, ils ne sont pas les seuls! Il y en a eu pas mal dans l'histoire et il y en a toujours par les temps qui courent, aussi bien à l'échelle macro qu'à l'échelle micro de nos sociétés.

« Avoir écrit » ou « Ne pas avoir écrit ». Ces abrégés du titre que j'ai donné aux dialogues des Entretiens avec Marguerite Duras pour France Culture: « On ne peut pas avoir écrit Lol V. Stein et désirer être encore à l'écrire", ces abrégés de cette phrase durassienne donc, en positif ou en négatif, disent la même chose.
Ce qui a été écrit ne peut plus l'être. Le moment où cela a été écrit ne peut plus être vécu. Ce pourquoi et ce comment cela a été écrit ne peut plus se retrouver, de quoi il peut naitre autant de la douleur que du soulagement...
Le spectacle en présentation unique, ce soir, au Temps, avant les Rencontres Duras à Trouville, n'est plus tout à fait une lecture. Les comédiens lisent le texte certes, mais ils se déplacent, bougent, ils s'installent avec jubilation dans l'espace tissé par ces dialogues qui viennent de la pensée en direct, sans filet, de la parole même... Du coup MD est là parmi nous en train de penser, de vivre tout à la fois la vie et l'écrit.

Il est courant d'entendre parler d'affaiblissement général... Il n'y a plus de dialogues, déclarait même récemment Jacques Doillon qui « le voit bien dans les scenarios qu'on lui demande de lire ».
Il y a beaucoup de choses faibles certainement, que le temps en général traite par l'oubli. Beaucoup de choses insignifiantes ou légères aussi, mais qui ont justement pour objet de l'être, telles la plupart des productions télévisuelles. D'ailleurs d'une année à l'autre des productions mises en avant de façon tonitruante par les medias peuvent disparaitre sans bruit...
Mais il faut aussi voir que nous comparons ce qui se fait à ce qui a été conservé des productions antérieures, donc des meilleures...
Et ne pas oublier que nombre de ces productions ont été réalisées plus ou moins dans la marginalité, souvent avec des moyens dérisoires.

Il est vrai cependant que les producteurs éditeurs semblent faire de plus en plus le choix du marché, et du marché qui peut rapporter gros, celui de la production de masse.
Alors ils traquent tout ce qui peut d'après eux séduire un public de plus en plus vaste. De cela on peut tout à la fois se réjouir ou bien se lamenter.
Ce qui est dommage, c'est que ces producteurs-là s'écartent d'un public plus restreint, les fameux "happy few" qui pourtant aujourd'hui représentent un public bien plus large que ceux dont parlait Stendhal.

Le président visite aujourd'hui la vraie grotte de Lascaux et pas la copie conforme construite à quelques kilomètres de là pour les touristes.
En revanche, tout terrien, de quelque endroit qu'il se trouve, peut quant à lui faire une visite virtuelle de la grotte... je sais, c'est pas pareil...
Mais une visite tout de même très impressionnante... Il peut même s'arrêter quand il le souhaite sur des gros plans et scruter en déplaçant le curseur ou en utilisant le zoom les détails qu'il a envie de regarder avec plus d'attention, la vache noire, les cerfs nageant ou l'homme blessé... Et y retourner quand il veut et à tous moments...

Génération sacrifiée, l'expression arrive comme ça, à la radio, légèrement, au petit matin, entre deux bonjours. Il est question de la génération des jeunes d'aujourd'hui. Terrible, de quoi la décourager un peu plus!
Un rocker américain des années 1970 chantait déjà la génération sacrifiée, mais il se référait à la guerre du Vietnam. L'expression a surement été utilisée la première fois pour celle de la guerre 1914-1918, au sens propre du mot. Sacrifiée parce que sa jeunesse volée par la guerre, une bonne proprotion ayant été tuée ou handicapée.
Ici et maintenant, il s'agit de la génération qui a du mal a trouver du travail, qui doit faire des boulots qui n'ont rien à voir avec leur formation. Ou qui doit faire face à une compétition de masse, liée à la démocratisation de l'éducation.
Donc on pourrait jouer à inverser les choses. Parce que les générations antérieures ont souvent connu le manque et non le trop plein d'aujourd'hui.
Du coup, les générations sacrifiées ce seraient plutot toutes celles du passé qui n'ont pas connu la libération des femmes, la contraception, internet et le téléphone portable, la communication en temps réel, l'accès à la connaissance d'un clic ou deux etc.
Et les voyages rapides et... même la traduction d'un déplacement de curseur.

Une expression (forte de conviction, semble-t-il), revient dans les discours d'écrivains en place: « On voudrait nous faire croire que... ceci, cela »...
Chaque fois je me dis mais qui donc est ce « on » puisque ce n'est jamais précisé? Qui voudrait nous faire croire? Le pouvoir, le président, les églises, le discours dominant?
Car l'étrange, est que ceux qui répètent cette expression (par exemple Sollers ou Fleischer) sont clairement dans le courant dominant ou en tout cas en position de dire ce qu'ils veulent (et d'ailleurs ils ne s'en privent pas)...
En fait, en creusant bien, je crois comprendre que ce « on voudrait nous faire croire » est une forme de critique ou un argument de défense à l'égard de ce qui représente pour eux la modernité...

Mais qui donc aime la rentrée, à part les amateurs de foot dont le championnat a déjà repris en aout?
Les amoureux de la littérature qui se réjouiraient de la rentrée dite littéraire? pas bien sûr...
Les auteurs ont l'air de souffrir, ceux qui en sont et ceux qui n'en sont pas. Les critiques se plaignent -enfin ils devraient- d'être dans l'incapacité de lire toute cette production qui pourrait tout aussi bien être étalée sur les longs mois de l'année. Ils se plaignent aussi de la médiocrité de beaucoup de livres mais en parlent quand même...
Peut-être les gros éditeurs qui auraient intérêt à en sortir plein pour faire financer leur trésorerie par les libraires (source: un billet de la République des livres de l'an dernier).
Ce qu'il y a de triste dans la rentrée, c'est la perspective de devoir recommencer à peu près dans les mêmes conditions. Les vacances étaient une fuite hors du truc et puis faut revenir dans l'ordinaire, horrible!
Pire, c'est l'injonction au fond qu'il faut rentrer dans le rang. Rentre ou va crever avec les Roms! (j'exagère).
J'avais rêvé pour ma part -et rêve encore- qu'en toute logique mon livre « Le petit roman de juillet » sorte en juillet, hélas aucun des éditeurs que je connais n'a trouvé que c'était une bonne idée...

On sera de plus en plus déprimés, dit Houellebecq, en raison du niveau d'exigence des humains. Lui qui, comme il le laisse entendre, écrit clairement des livres pour les « cons » et pour ce faire aligne autant que c'est possible les clichés les plus ordinaires, a parfois des instants de clairvoyance. Sauf qu'il en tire des conclusions imbéciles.
Oui le niveau d'exigence des humains s'accroit, c'est même une donnée notable que la plupart ne veulent pas voir. C'est pourtant une source de plus grande conscience et d'exaltation, même pour les quelques déprimés que ça peut déprimer en effet.

Les animateurs d'émissions invitent de plus en plus des spécialistes, notamment des universitaires. Sans vouloir critiquer ces derniers, quelque chose de comique s'instaure dans la présentation que l'on fait d'eux. En général on les décrit comme enseignant en... au département de... à l'université de... et également enseignant à l'université de... en outre directeur du laboratoire de... A quoi on ajoute le titre de leur dernier ouvrage, complété d'un sous-titre à rallonge... Le tout prenant donc l'allure d'un étalage interminable.

Si je contre chaque fois les phrases glissées dans le discours, comme vérités évidentes sur l'époque, du genre « tout s'appauvrit, détérioration de tout, on est revenu en arrière... » ... c'est pour résister au discours de l'extrême droite.
Par exemple, avec la transparence et l'information généralisée, on finirait par avoir plus peur que lorsqu'on savait rien ou peu et que finalement on connaissait mal le risque ou les dangers. Or s'il y a effectivement des faits divers horribles, il se trouve que la criminalité en général tend à diminuer en nombre depuis un siècle alors que la population a plus que doublé...
Donc si je mets en avant cette vérité statistique c'est pour contrer l'efficacité de la phrase de café: "Avec tout ce qui se passe"!
Et c'est mon engagement à lutter contre le discours populiste dont on découvre qu'il est en fait repris de façon majoritaire...

Un critique journaliste (et écrivain bien en place) fustige le monde de l'édition qui ne parlerait plus que de combien valent les auteurs, enfin quelques-uns, une dizaine... Lui qui connait bien le milieu doit savoir de quoi il parle quand il ajoute que la question de savoir si les livres sont bons ou intéressants ne se pose plus...
Donc la question est à poser.
Outre l'appât de gains massifs, le système est en fait piégé par la demande des lecteurs massifs. Eux, ce qu'ils veulent c'est une sorte de reflet de leur propre vision des choses... Les auteurs se doivent de leur raconter plus ou moins ce qu'ils savent ou pensent (?) déjà...
Précisément ils veulent qu'on leur re-serve leur idéologie, pensée ordinaire et tradi, avec décorum culturel!
Donc tout ça n'a rien à voir avec la littérature qui a sans doute pour objet de continuer d'inventer le monde...

Le Maire de Paris voit un rapport entre l'atmosphère délétère de la France de la fin des années 1930 et « l'époque actuelle » .
En tout cas les extrémismes de droite d'aujourd'hui n'ont heureusement rien à voir avec ceux de cette époque lointaine... Où le maire de Paris a t-il vu les événements de février 1934 dans sa capitale?
Cette comparaison entre les années 1930 et celle de 2010 est absurde, elle est même franchement suspecte... C'est très étonnant de la voir pratiquer par divers acteurs médiatiques bien différents. Certains croient y déceler des similitudes convaincantes au point de la développer dans une apparente jubilation. A se demander s'il n'y a pas une fascination inconsciente pour le chaos qu'elles représentaient et à quoi elles ont abouti.
Je me sens libre de dire que non, hormis la fameuse crise économique, rien ne rapproche ces périodes-là. Et que surtout rien ne peut permettre de penser que nos années présentes peuvent s'engager dans ce chaos-là.

Qu'est-ce qui explique que je doute souvent des affirmations des conversations usuelles.
D'abord que ces conversations ont en général comme moteur le fait d'épater ou de s'épater soi-même.
Ensuite qu'elles forcent les faits par principe à la manière des contes des conteurs...
Et puis, surtout, je suis peu croyant, donc je ne crois pas facilement. Par exemple que le président prend de la coke avec sa femme, ou bien que 1984 s'est réalisé (ce livre qui dépeignait en fait le stalinisme) ou bien que tout s'appauvrit de nos jours quand les possibilités ne cessent de s'accroitre...
En fait je me refuse aux assertions trop grosses et fatiguées, par exemple: la France est devenue une république bananière, car alors je pense, mais quel mot pourrait-on utiliser pour qualifier les républiques bananières, cad les pays où la corruption est généralisée, où la police est plus dangereuse que les mafias?
Ou bien: Ça n'a jamais été aussi pire... Car qu'aurait-on pu dire des périodes horribles de l'histoire, celle de la guerre nazie ou de la peste qui tuait la moitié de l'Europe?
Oui mais je suis un convive pas agréable, à force de tout mettre en doute, un peu rabat-joie du coup, de ne pas croire ce qui fait tant plaisir à croire au pékin (péquin) de partout...
Alors je prends des gants, je dis: tu crois vraiment?... Ah oui? je ne savais pas!... Oh, peut-être c'est un peu exagéré, non?... Ou, carrément: moi je ne crois pas à des choses pareilles!

Tout s'appauvrit dit N. Ah oui, tout tout s'appauvrit! rétorque son voisin. Et quoi? qu'est-ce qui s'appauvrit: tout!
Cette affirmation affirmée comme évidence par des jeunes gens qui pourtant peuvent avoir en poche des appareils extraordinaires est rien moins qu'étonnante, surtout qu'elle reprend la thématique de gens vieux déçus d'eux-mêmes plus que de leur époque...
Bien sûr que les écrivains d'aujourd'hui n'écrivent pas tous comme Chateaubriand, mais il faut se rendre compte que de son temps non plus!
En revanche la donnée majeure de cette époque c'est justement selon moi que tout s'accroit, les connaissances, les possibilités...
Ce qui s'appauvrit si j'ose dire c'est par exemple la taille des appareils de communication, de plus en plus petits et en même temps de plus en plus performants.

Deux écrivains se réunissent pour dire combien ils aiment Rimbaud, laissent entendre qu'ils connaissent son oeuvre presque par coeur, à part quelques lettres d'Abyssinie, parce qu'il y en a trop (et puis qu'elles sont de moindre importance)... avouent qu'ils le citent souvent dans leur livre... qu'ils en glissent des phrases dans leurs textes... L'un d'eux a un autre auteur préféré c'est Chrétien de Troyes.
Mais qu'est-ce qu'ils retiennent de Rimbaud? Qu'est-ce qui fait qu'il les inspire aujourd'hui, ne diront rien de tout ça...
Auraient presque pu faire le même éloge il y a 5O ans ou un siècle, encore qu'à cette époque ils auraient sans doute été moins chaleureux...
Qu'est-ce qui les attire chez lui, l'un aurait pu parler d'une forme d'éblouissement...
Et vous donc, il aurait fini par lui dire?
Et bien moi j'aime qu'il ait écrit son « il faut être absolument moderne. »...
Et aussi son « il faut être voyant ».
Ce que souvent je traduis par "il faut voir loin", c'est à dire au-delà des premières couches au moins!

Ils se sont permis de corriger des fautes chez Duras, dans les « Cahiers de la guerre »!
On donne décidément trop de pouvoir aux correcteurs d'édition qui ne semblent pas comprendre que pour l'écrivain, bien sûr que l'orthographe n'est pas la première préoccupation. Non pas, mais d'abord celle d'écrire, d'écrire quelque chose qui ait du sens, qui forme du texte.
Ils se sont permis eux de corriger des fautes chez la Dame, des fautes qui d'ailleurs n'en étaient peut-être pas... En effet si l'on considère que nombre de régles reposent sur le sens, ces correcteurs ont pu ne pas comprendre celui voulu par l'auteur. Ils se sont donc vraisemblablement autorisé à modifier le sens, bon, dans le détail, d'accord.
Aurait il fallu laisser ces « fautes »? Oui, le « sic » aurait été préférable c'est certain, s'agissant en plus d'un texte non publié de son vivant, qu'elle n'aurait peut-être pas souhaité publier. Mais pour les « éditeurs » c'était impensable de laisser des fautes pareilles, péché, sacrilège, impardonnable, on aurait eu honte pour elle!...
Ils devraient pourtant se rendre compte que l'orthographe c'est pas très intelligent en fait. Par exemple, un cheveu, même sans s ni x, c'est déjà un pluriel (latin). Pourtant la règle est d'écrire « un sèche-cheveux », en raison de ce qu'on a il est vrai en gênerai plus d'un cheveu sur la tête... que sinon on pourrait toujours s'arranger de couper en 4.

Dans la série l'orthographe en marche (le français vivant quoi!), cette jolie phrase « Reviens quand tu auras disparue » que Yves-Noël Genod verrait bien comme titre. En fait, sa phrase c'était «Quand tu auras disparue, tu reviendras!»
Bon, normalement, le participe passé après avoir ne s'accorde pas avec le sujet mais avec le complément direct. Donc grosse faute pour toutes les grenouilles académiques. Sauf que cet accord apporte d'évidence une information, ce qui est l'objectif de base de l'orthographie.
Il est signifié en l'occurrence qu'il s'agit d'une femme et non d'un homme.
Ceci légitimerait l'accord avec le sujet, qui était d'ailleurs l'une des options avant que Malherbe impose la règle actuelle qui est particulièrement piégeante!
Règle de plus pas toujours compréhensible et finalement pas très intelligente, je le dis: c'est l'une des torderies du français.
Et si un écrivain ne le dit pas (ne l'écrit pas), qui donc le dira?

Je connaissais mal Jean Couturier, le réalisateur de France Culture qui vient de mourir, à part qu'il a réalisé « Pour échapper au destin » (1ère diffusion, 7 juillet 2004). Certainement, je lui saurai gré toujours par exemple d'être allé enregistrer des séquences de cette pièce radiophonique, dans une voiture, sur les quais de la Seine, ainsi que le texte l'indiquait... Et lui serai toujours reconnaissant d'avoir pris deux jours au moins pour l'enregistrer avec Annick Alane, Anne-Lise Hesme, Arnaud Bédouet, Garance Clavel, Simon Duprez. Au lieu d'une après-midi de prises au lance-pierre, comme cela se faisait généralement.
Par contre je regrette bien de lui avoir répondu non à sa question de savoir si je n'avais pas un autre texte à lui donner, qu'il semblait prêt à réaliser dans la foulée... C'est vrai que je n'avais pas de texte écrit exprès pour la radio. Mais j'aurais pu lui passer les dialogues de « Pathétique Sun » ou de « Fréquence perdue » (film de 1982), faire un découpage de la « Fiction d'Emmedée », lui proposer de prendre des extraits de « Rauque la ville » qu'aucun de mes amis cinéastes des années 1980 n'a pu porter au cinéma. Parfois c'est ne pas penser que de penser trop étroit.

Divagation sur la bêtise des métaphores, par exemple la dernière d'un journaliste qui vient de sortir un énième bouquin sur les dangers supposés de notre époque: celle-ci serait comme une voiture qui plus elle augmente sa vitesse, moins les phares éclairent loin... Il fallait la trouver!
A part que cela s'apparente à la fameuse formule d'aller tout droit dans le mur, cela voudrait montrer que le présent se charge de tant d'informations qu'on a tendance à perdre la mémoire. Ainsi, on ne saurait plus ce qui s'est passé deux ou trois ans auparavant... Cependant nous n'avons pas besoin de garder en mémoire immédiate tout un tas de faits puisque avec le net et les moteurs de recherche nous avons les moyens de retrouver à l'instant même la mémoire du moindre événement passé.
Autre implication de cette métaphore de "chauffeur de Citroën des années 1970", le fait que tellement pris par ce qui se passe dans le moment présent on n'aurait pas ou plus de vision lointaine.
A ce moment précis pourtant la navette américaine rejoint l'ISS dont on s'apprête à modifier l'orbite pour éviter une collision avec un engin dont a repéré la trajectoire... Et puis on découvre une étoile massive qui vient de naitre tout récemment (il y 2 ou 3 millions d'années)...
Chaque jour, je me répéte cela qu'il faut voir loin. Alors que comme tout le monde souvent au téléphone je dis: non, là, je ne suis pas chez moi, car on l'est de moins en moins, en tout cas quand on répond au téléphone. On se trouve dans la rue, au café, dans une boutique, devant l'école, et parfois dans des endroits improbables où cependant l'on peut répondre sans faillir: non, vous ne me dérangez pas du tout!

Y aurait il plus d'évènements que dans le passé de l'histoire? Ou même qu'il y a quelques années encore? C'est vrai qu'on a l'impression qu'il s'en passe de plus en plus. A peine le volcan s'est-il calmé qu'une marée noire se déclenche. Une crise semblait se terminer, une autre s'enclenche. Encore un tremblement de terre, des inondations qui s'en suivent. Une maladie a disparu ou bien se soigne mieux, voilà qu'un nouveau virus survient etc.
On peut facilement poser que l'augmentation considérable de la population mondiale a accru le nombre d'évènements. Les bousculades répétées à l'origine de centaine de morts en Inde ou en Chine, ou les accidents de bacs en Asie ou en Afrique en sont une illustration.
On peut avancer aussi que le développement de l'activité humaine précipite la survenue d'évènements. Pas de catastrophes aériennes au temps de Platon en effet, pas d'accident de plateforme pétrolière sous Jésus, ni d'explosion de centrale nucléaire sous Henri IV. Des éruptions de volcans oui, des tsunamis, des naufrages, des famines, des épidémies, des incendies... Et des guerres autrement plus habituelles, oui.
Le facteur le plus agissant est l'information, la connaissance des faits, et la nécessité dans laquelle nous sommes d'accepter que rien n'est stable, que le monde change tout le temps, qu'il se passe toujours quelque chose, et qu'il y a toujours quelque chose qui ne va pas!

Parole de Victor Cherre qui me revient: « Je vais réfléchir ». Il dit ça tout le temps.
Et en effet quoi de mieux qu'on puisse faire chaque moment des jours dans notre société qui change sans cesse? Oui, il y a surement rien de mieux à faire que réfléchir et plus que jamais.
A quoi j'ajouterai ma propension actuelle à essayer de toujours dire oui. On peut se voir tel jour? oui. Est-ce que tu es libre tel jour, oui. Si je ne le suis pas, je décale, je tords le calendrier.
Et j'ajoute des heures aux soirées, je vais dans deux endroits à la fois, je parle à plusieurs en même temps et j'aime doublement mes êtres chers.
Surtout je souris de plein de sourires, trois fois plutot qu'une, jusqu'au rire si les yeux d'en face me les renvoient.
Rien que je déteste plus qu'on me propose un rendez-vous le mois suivant même si on est en début de mois, et encore entre 13h et 14h, parce qu'en suite y a ceci cela.
Oui je veux bien, d'accord, ok. Oui, être comme en disponibilité permanente.
Bien sûr je déteste encore plus l'attitude des gens surbookés qui même avec des amis de toujours n'arrivent pas à prendre le temps de répondre au téléphone parce qu'en RDV décisif, ou bien en train d'essayer de dormir dans l'avion retour de Dubaïl
Se mettre en disponibilité, c'est produire une sorte d'amplification d'exister.

Des grandes parlotes sur les rumeurs ont occupé la presse tout le weekend dernier, bien sûr avec de longues interventions de spécialistes de la question (à noter le tandem spécialiste/journaliste désormais intimement lié à la fabrication de l'info).
Et on a redit qu'avec Internet évidemment les rumeurs allaient plus vite et qu'en plus on pouvait difficilement repérer le point de départ.
Il me semble en revanche qu'elles sont beaucoup plus faciles à désamorcer que les rumeurs qui couraient de villes en villes...
Ce qui m'étonne le plus c'est que les gens aient tellement envie d'y croire, à ces rumeurs.
Moi je passe mon temps à dire à des gens: mais non ça c'est des conneries.
Et je vois bien que souvent ils ne me croient pas et même m'en veulent un peu que je ne valide pas ces conneries du haut de ma rigueur intellectuelle.

Jusque dans les années 1960, le mot masturbation ne figurait pas dans les dictionnaires courants. En cherchant bien les pré-ados tombaient sur onanisme dont la définition était peu éclairante. Encore ne se serait-il agi que de la masturbation masculine. C'était un péché pour qui était sous pression de l'église catholique. En outre il se disait que c'était dangereux, parce que ça pouvait rendre idiot et même stérile.
Sur de nombreux sites internet on en fait désormais l'apologie, en particulier de la masturbation féminine, une pratique naturelle, saine, libérant l'énergie sexuelle. Jouissive.
Et même bonne pour la santé, par ex pour les hommes, lutte contre l'éjaculation précoce et prévention du cancer de la prostate, même si c'est un risque plus tardif que la survenue des cheveux blancs.
Moi je persiste à lui préférer l'amour qui d'ailleurs peut tout autant et mieux avoir ces mérites. Oui je préfère le bel amour, le grand désir, ce doux échange, ce jeu génial, le beau cadeau qu'est l'amour. Qu'on peut s'offrir en toute envie, passion, tendresse, as u like à deux.

Il est prévu que les auditions de prisonniers par les juges se fassent désormais en visioconférence pour éviter de les déplacer depuis leur prison jusqu'au tribunal où siège le juge. Car ce sont des déplacements couteux, qui en plus impliquent des protections armées, et qui surtout sont bruyants dans nos rues, puisque les convois doivent actionner au maximum leur sirène pour dépasser les voitures des gens non prisonniers.
(Note de bas de page: bien sûr on aurait pu imaginer que les juges se déplacent, ce qui aurait été plus simple, mais là trop grosse remise en cause des hiérarchies/habitudes en place).
Prévu, mais quand cela viendra-t-il? Beaucoup de mesures sont annoncées mais n'interviennent jamais, sans qu'on sache pourquoi!
Pourtant, ce serait bien pour nos oreilles, de diminuer le nombre de sirènes hurlantes, étant donné que sont inévitables celles des ambulances et des pompiers qui doivent passer en toute priorité, et celles de la police contre qui on ne peut rien faire.
Donc il restera de toute façon assez de sirènes pour nous casser les oreilles. Rousseau, Jean-Jacques, se plaignait du bruit qu'il y avait à Paris (et aussi de la saleté et de la boue) mais je n'arrive pas à l'imaginer ce bruit en comparaison du notre!...

C'est drôle, je suis souvent amené à redire comment j'ai rencontré MD, comment vous avez/ tu as rencontré?... J'avais l'habitude de renvoyer à mon livre La Fiction d'Emmedée  où j'ai décrit cette rencontre. Mais depuis peu je me laisser aller à la raconter comme je peux le raconter tant d'années après...
La sortie de la projection de mon film Narcisso-metal au festival de Hyères... MD à qui je viens d'être présenté me dit « c'est un film d'écrivain »... Le déjeuner en plein air, je suis assis en face d'elle, je lui dis que je pourrais facilement transférer mon rapport à ma mère sur elle... Puis je lui parle d'amis qui passent leur soirée à danser sur la musique d'India Song... Où? A Caen, je dis!
Quelqu'un de Caen m'envoie des lettres, elle répond songeuse... Oui, il en était de ces amis qui jouaient à s'envoyer des phrases du film avec les intonations de Delphine Seyrig...
A la suite de ça que, me voyant en amour avec la belle Livia, MD a décidé de répondre à c(s)es lettres...
Pour dire comment ces faits sont ainsi entrés dans sa fiction, la faisant se développer, la sienne à MD.

Entendu au café Select, une jeune femme assenant à l'homme assis en face d'elle qu'elle n'irait surement pas au Salon du Livre: « Le salon du livre, c'est tout sauf la littérature, elle disait... ah non, non, y aura surement pas Marcel Proust ni Marguerite Duras au salon du livre! »
Il y a bien, je pensais, quelques coins qui ressemblent à en être, de la littérature, mais même là ça n'en garde que les apparences parce qu'ils font tout pour se rapprocher de ce qui n'est pas de la littérature.
Le salon du livre est une affaire commerciale, c'est d'ailleurs la plus grande librairie de France. Ne pas croire cependant que ça existe depuis les Romains... Non, fondé dans les années 80, pour relancer le livre face à la montée de l'image. Je me souviens qu'au 1er salon, l'éditeur Minuit, qui venait de me jeter (il avait pour principe de toujours refuser le second livre, ce que j'ignorais), n'avait pas même un seul exemplaire de Rauque la ville dans son stand. Il est vrai qu'il ne croyait pas que mon livre RLV pourrait se lire, par exemple en 2010.
C'est surtout une grosse foire où les valeurs sont inversées. Plus la superficie des stands est grande et plus il y a de chances pour que les livres soient mauvais ou populistes ou d'une idéologie craignos. Plus il y a de monde à faire la queue pour la dédicace... Plus il y a de contrats signés avec les éditeurs étrangers et plus, etc.
C'est aussi une grande beuverie, à l'inauguration (ce soir). Ce qui n'est pas grave. Sauf que les visages des gens dans les stands rougissent et se défont à mesure qu'ils se donnent de l'importance à être là...

Aujourd'hui c'est la journée mondiale de l'eau, hier c'était le printemps à 17h31 et aussi la journée de la Francophonie. Un jour après, pas grave, dire que j'aime plutôt bien la francophonie, surtout dans ces années récentes où des pays y ont adhéré librement, on peut le croire, et non plus comme par suite logique de la colonisation.
Ce qui me plait en plus, c'est que certains pays, le Québec par exemple, sont bien plus exemplaires que la mère patrie en ce qui concerne la langue française.
Ainsi au Québec, à partir de cette année scolaire, la réforme du français de 1990, dites « Rectifications à l'orthographe », sera acceptée dans tous les examens scolaires et universitaires. Tandis qu'ici à Paris, aucun éditeur, ni université et pas davantage l'Education nationale ne l'applique. Elle est même considérée comme relevant de la faute, tout bonnement. Pourtant le dictionnaire de l'académie admet presque toutes ces rectifications, en parallèle au graphies précédentes, comme on le fait pour clef et clé...

L'aventure de "On ne peut pas avoir écrit Lol V. et désirer être encore à l'écrire"  repart après une pause de quelques jours suite à ces trois 1ères répétitions publiques. Un peu de doute à des moments. N'aurait-il pas été plus raisonnable de trouver une production d'abord et/ou d'attendre le résultat d'une demande de subventions? Non bien sûr que non. Enfin raisonnable peut-être, au diable qu'il aille. Ne pas oublier qu'il y avait deux soirs de théâtre libre, et surtout que maintenant ces trois séances sont dans la mémoire de la centaine de personnes qui y ont assisté. Et dans la nôtre bien sûr, je n'ai pas besoin de fermer les yeux pour visualiser les visages des comédiens éclairés par les écrans d'ordis, ni pour capter leur enthousiasme envers le texte et la jubilation qu'ils avaient à le rendre vivant. J'ai à nouveau relu tous les Entretiens, dans la version première que je vais reprendre pour le « spectacle à venir », donc l'aventure repart maintenant. Mélanie Chereau nous rejoint pour m'assister à la mise en scène. Elle voit qu'il y a d'un côté cette «lecture-mise en espace» d'une heure que nous allons proposer à différents lieux. Et puis un autre projet de fond qui est le "spectacle à venir" pour lequel en effet il faut trouver une production... C'est presque troublant d'avoir eu tant de réactions positives, ce dont je suis vraiment heureux pour les comédien(ne)s, ça donnerait envie de jouer tous les w-ends au théâtre du Temps!

Y-N G. donnait un Hamlet, son Hamlet 3 au théâtre de Vanves le lundi 8 mars. Il dit qu'il montera toute sa vie des Hamlet, et il a surement raison. D'autant qu'il le fait à sa manière, ne reprenant que le schéma de base si l'on peut dire.
Il me semble que chaque fois Yv-No cherche la sortie. La sortie de l'instance. Mais de quelle instance. Le théâtre, la réalité?
Comment se situer hors du réel qu'on n'aime pas tel qu'il est? pourrait être un résumé de l'affaire, coïncidant d'ailleurs avec Hamlet...
Comment sortir du rituel (du tunnel)? ça il sait le faire. Comment sortir de l'instance prédéterminée? il sait bien que ce n'est pas facile, car la force d'inertie est la plus forte de toutes les forces.
Si l'on compare à son très beau spectacle «Yves-Noël Genod» donné à Chaillot en 2009, on voit qu'avec cet Hamlet il reprend une même direction, sauf qu'elle est cette fois un peu plus radicalisée. Cette geste des comédiens qui arrivent sur le plateau, seuls généralement, et qui s'installent par exemple pour déballer un sac ou un caddie. Ou bien qui s'essaient à grimper le long des parois. Qui en effet viennent là pour déballer leur sac au sens figuré, donc pour déclamer quelques vérités souvent drôles. Cette geste est devenue moins importante, les histoires de chaque comédien devenues moins importantes, en tous cas ils parlent bas, déballent bas.
Là, à Vanves, oui, il reste comme une ombre de cela. Comme si Yv-No était allé plus loin dans sa démarche, avait radicalisé son propos. Réduit un peu à la Beckett ou encore comme Duras disait: montrer moins pour voir plus...
Donc l'extérieur surprend de l'importance. Une voix off faible en surgit de temps à autre... Une porte s'ouvre dévoilant une voie d'issue certainement. Et puis peut-être que le sujet momentanément c'est la lumière et en fin de compte le salut de fin...
C'est clair qu'il veut enlever de la séparation, l'instance est donc hors du plateau, en extérieur, on se demande même si ce n'est pas nous le public qui sommes les acteurs, d'ailleurs quand deux ou trois personnes exaspérées -en manque d'humour- quittent le spectacle, on croit un instant que ce sont des acteurs, qui comme certains l'ont fait tout à l'heure, vont aller prendre place sur le plateau... Dire que «prendre place», c'est parfois pour en sortir aussitôt vers le fond ou sur le coté ou vers les spectateurs.
Conclure que de la présence un peu fantomatique sur le plateau, il reste des moments furtifs avec plus d'importance qu'ils semblaient en avoir sur le :moment et, au bout de la nuit, le tout se concentre dans le salut final joué dans la beauté des corps et des êtres, qu'on n'a pas envie de quitter! Salut qui semble pouvoir durer davantage que la pièce elle-même, ou ne jamais finir à la manière d'une fin de symphonie de Gustav Mahler dont on croit toujours qu'elle va se terminer, mais se relance dans la jubilation.
Il y a donc quelque chose de magique ou de mystérieux ou de merveilleux dans cet Hamlet, je n'opterai pas pour l'un de ces M, ni ne distinguerai les comédiens, tous bien.

J’aimais bien sûr tout ce qui pouvait nous éloigner de la tragédie humaine classique, avais-je repris, la guerre, les famines, les maladies, la cruauté des pouvoirs… Et toutes les libérations… la libération des femmes, parce que c’en était une aussi de libération pour les hommes. »  (in Les Voyageurs modèles)
Cette auto-citation pour dire qu'en effet j'ai vécu la libération des femmes comme une libération personnelle, sans avoir l'impression cependant d'en avoir été réduit dans ma condition d'homme, à part la perte du côté machiste que je n'ai jamais vraiment eu.
Par ailleurs je suis convaincu que les femmes vont finir par transformer le monde, partout en tout cas où elles accéderont massivement à l'éducation et à la politique.
Bien sûr s'il arrivait que prenant résolument le pouvoir, elles finissent par l'exercer avec des méthodes ressemblant à celles des hommes historiques et bien il faudrait reprendre le combat et lutter contre elles.

On ne peut pas avoir écrit Lol V... séance supplémentaire le 6 mars à 20 h.
Ça crée de la vie, m'a dit Axel, après la dernière répétition privée, et unique d'ailleurs, sur le plateau du Temps.
Justement une Impression déjà ressentie, plusieures fois éprouvée, par exemple quand j'avais joué avec lui dans le Parc, mis en scène par Régy à Chaillot. Impression que le théâtre rend la vie plus belle.
Impression revécue à ce moment-là de la répétition qui s'était lancée. Du coup Je n'allais plus l'arrêter, pas même pour une remarque de détails. Plutôt écouter comment parle la voix de cette comédienne, entendre l'enthousiasme révélée par la lecture qui enchaine les dialogues, capter la vie redonnée dans l'échange qui s'instaure...
Est-ce que que le théâtre crée de la vie puisque, en même temps, il nous place en retrait du monde?
Il met en dehors et en fait il amplifie la vie.

On ne peut pas avoir écrit Lol V. 6/7 mars, théâtre du Temps, Paris 11e: Réservation obligatoire...
On était pas très tranquilles mercredi dans notre café de la place Denfert pour la dernière fois où nous y allions les 5 comédiens et m/m. Il fallait lutter contre un environnement sonore difficile, bruits de flippers et de voix fortes de bar... On a cependant bien travaillé, réglé des petits problèmes en entrant dans quelques détails, apercevant alors la force d'un passage qu'on n'avait pas perçue avant.
Les comédiens qui ont écouté des extraits des Entretiens diffusés à la radio s'inquiètent, ce qu'ils font n'a rien à voir, pensent-ils. Oui, ce qu'ils font est autre chose et je m'en réjouis, ils redonnent de la vie à ces paroles. Comme dit CG, s'il n' y a pas de renouvellement dans la façon de rendre les textes de MD, eh bien il y aurait le risque d'une disparition progressive... Le lendemain je suis allé au Théâtre du Temps où je n'étais pas allé depuis des mois. Redécouverte du «chemin des fleurs», cette allée qui fait commencer le plateau depuis l'entrée de la salle... Du coup la salle m'a paru plus petite. On m'a dit: 50 places, c'est la jauge!
Ce pourquoi il faut absolument réserver pour ne pas risquer de n'avoir pas de places. D'autant que s'il y a beaucoup de réservations nous pourrions organiser une séance supplémentaire le samedi à 20h.

Hier, travail avec Aurélie H et Vincent (les autres sont en tournage, shooting comme dit Thibault), le soleil d'hiver éclaire nos écrans à travers la vitre du café. On entre dans les détails. Donc on entre dans le texte, prendre le temps de le regarder à défaut de pouvoir intégrer que ces phrases étaient pensées en direct.
Sinon, il faudrait jouer à les penser en vrai, impossible. Donc il ne faut peut-être pas  vouloir s'approprier le texte?
Recherche d'équilibre entre articulation et vitesse, profération et lenteur. Entre ces deux positions possibles trouver le bon tempo. Ni trop grave ni trop léger. Du coup on redécouvre l'intérêt de cette mise en lecture -avant une mise en scène plus ambitieuse- redonner la vie que portaient "nos" paroles dans la conversation des Entretiens...
La prochaine fois on refera un filage avec tous, ce sera le dernier avant la répétition -sans public- au théâtre. Ensuite ce sera la 1ère répétition publique.
Pour la prod, on me dit qu'il faut chercher du coté de la Culture ou bien d'un mécène auquel tout le monde pense, s'il se reconnait qu'il m'appelle!

Quelques nouvelles de «On ne peut pas avoir écrit Lol V »... Vendredi dernier, on a fait pour la première fois un filage dans un café de la place Denfert où on y est tranquilles. La lecture commençait vraiment d'exister, c'était très émouvant: MD soudain, là où nous étions!
Et puis Il y a eu deux bonnes nouvelles. L'une que la lecture allait durer un peu moins d'une heure (c'est la version courte). L'autre que les acteurs-comédiens-lecteurs avaient été bons. Le fond est trouvé, une couleur se découvre, il n' y a que des détails à traiter, même s'il y en a forcément beaucoup. Il "n'y a qu'à" poursuivre la découverte du texte...
Par ailleurs les problèmes techniques qui ont tendance à apparaitre à mesure qu'ils se résolvent, se traitent tout de même... Penser aux lumières... à la musique, ça c'est presque fait... penser à une capture vidéo du spectacle, à des prises de photos durant cette 1ère répétition publique... pour ainsi dire rien.
Reste le trou noir, nous n'avons pas de production, un théâtre pour deux soirs m'était proposé, fallait-il que j'en attende une pour y faire cette lecture?

Les 6 mars à 18h et le 7 à 20h30, au théâtre du Temps : «On ne peut pas avoir écrit lol V...».
Bien sûr cette première répétition publique, ce sera moins qu'une lecture pour laquelle j'aurais réussi à réunir Bulle Ogier et Michael Lonsdale ou Axel Bogousslavsky. Assurément ç'aurait été une lecture magnifique, mais d'une certaine façon une lecture définitive. Encore que Bulle m'a dit son embarras à l'idée de lire la parole de MD parce que sous chacune de ses phrases elle entendait sa voix, au point de ne pas imaginer ce qu'elle aurait pu ajouter elle.

Avec un peu de mise en espace, cette première répétition publique sera donc aussi un peu plus qu'une lecture. En effet, en faisant appel à de jeunes comédien(ne)s je me suis lancé dans une autre aventure, celle de la découverte du texte et de la jubilation de le découvrir.
Et pour lire le texte de MD, j'ai choisi trois comédiennes, parce qu'une seule aurait dû soutenir le poids de représenter MD, ce qui aurait été franchement lourd et l'aurait exposé à la critique de ne pas le faire! De plus cette triple présence peut figurer la diversité et la complexité de la personnalité de Dame Duras. Par exemple Michelle Porte disait « avec MD on se plaignait et on pleurait » tandis que pour moi, c'était «on se parlait et on riait». C'est d'ailleurs cette dernière piste que j'entends privilégier, en accord avec le ton des Entretiens pour France Culture..

Une phrase de Deleuze : « Créer n'est pas communiquer, mais résister » circule un peu partout comme si c'était du bon pain. Pour moi créer n'est surement pas résister, car ce serait rester dans le même champ de l'objet de cette résistance. Ou alors secondairement, pour s'opposer à l'inertie.
Créer c'est transgresser pour le moins, se libérer assurément, voir plus loin et davantage, se déplacer dans un chemin mental plus ouvert ou plus complexe.
Deleuze a sorti beaucoup de phrases formidables tant il pratiquait une sorte de logorrhée créative, parfois avec le risque de léger dérapage, cela n'a d'ailleurs pas d'importance. En revanche cette phrase exprime qu'il n'aimait pas le concept de communication, pas plus qu'il n'aimait la modernité. Et encore moins les machines (à part peut-être les désirantes), Il avait par exemple toujours refusé d'avoir un lecteur de disques (vinyles) pour écouter de la musique. Ainsi peu de temps après qu'un appareil de ce type lui ait été offert, ce dernier était curieusement tombé en panne et sous ce prétexte il s'en était séparé... Philosophie n'est pas sagesse à tous vents.

Moi j'ai dû résister durant les années 1985 / 2000 au moins, pas contre la grande ennemie qu'est l'idéologie fasciste, celle-là je la traque partout où je passe. Non contre l'idéologie conservatrice et rétrograde et postmoderne que même de mes amis ont pu adopter jusqu'à ne plus me voir tout à fait comme ami ou même comme écrivain digne de ce nom. Car je ne suivais pas la pente vécue comme bonne pensée. Ils étaient croyait-il en résistance contre la modernité, le progrès que sais-je? Contre la technique, contre le numérique, contre le téléphone portable (ça leur a passé) contre toute transformation vécue comme un recul. Donc je résistais à tous ces contres, j'en ai même fait un livre (Les Voyageurs modèles). Je résistais aussi au mode catastrophiste, la peur de l'an 2000, les centaines de milliers de victimes annoncées avec la vache folle, voir le poulet fou (dont s'était même emparé un intellectuel aussi respectable et aimé que Edgar Morin (conférence à l'UNESCO) etc.
J'ai résisté en faisant le dos rond, pour ça que je n'aime pas cet amalgame créer / résister. Créer, on peut se dresser sur ses deux jambes.

Pourquoi faire appel à des comédiens de 20/30 ans pour lire ces dialogues tirés des Entretiens avec MD? D'abord parce qu'ils n'ont pas connu Duras, ne l'ont pas même vu intervenir à la télé, ou bien ne s'en souviennent plus. Ils ne connaissent pas très bien son oeuvre, parfois n'ont vu que l'Amant, le film, ou lu seulement Un barrage ou Le marin de Gibraltar. En revanche quand ils la lisent, ils le font bien différemment de la plupart des lecteurs des années 1970/90 qui trouvaient ses livres difficiles. Et il ne leur viendrait surement pas à l'idée d'affirmer comme la critique (qui était très critique à son égard) qu'il ne se passe rien dans ses livres ou bien que c'est ennuyeux ou encore que son écriture est pleine de tics.
Appel à des comédiens de cette génération 2000 donc, à qui je ne demanderai pas de jouer Duras, ni de faire du Duras ni même d'être durassiens. Bien plutôt de faire entendre la parole écrite de Duras dans une envie de découverte, au fond à la manière dont je suis allé la voir, enthousiaste de comprendre ce qui faisait que MD parlait, vivait et écrivait en écrivain. Jusqu'à écrire avec elle cette conversation en forme d'entretiens.
Il s'agit donc d'aborder son écriture sans crainte, avec douceur et aussi avec détermination, de proférer ses phrases pour la tester peut-être et, au final, « d'enjouer » la lecture du texte afin de transmettre le plaisir qu'on peut ressentir à la lire, quoi? de rendre le coté jubilatoire de son écriture...

C'est une histoire un peu merveilleuse d'une certaine façon. Ponctuant, au début et ensuite, ma belle relation d'amitié avec Marguerite Duras, j'avais produit Les Entretiens pour les Nuits magnétiques sur France Culture et puis écrit La Fiction d'Emmedée, un roman dont elle est le personnage principal. Je ne pensais plus me remettre sur son chemin ou y être redirigé jamais. D'ailleurs certains ont pu me dire, Duras, ça va, faut oublier maintenant. Il se trouve que j'avais un peu vécu la Fiction d'Emmedée à travers une pensée pour Diderot et son Neveu de Rameau. Dans la limite de toute comparaison. C'est à dire qu'il s'agissait d'une vraie relation, ayant existé...
Voilà que Catherine Gottesman après une lecture de textes de Duras au théâtre du Temps me demande si je verrais d'autres textes qui pourraient être lus. A l'instant je ne sais pas, j'avais dit en souriant, mais je vais réfléchir. Parce que souvent ça me plait de réfléchir sur quelque chose que je ne connais ou ne comprends pas. Et même longtemps, bien sûr pas à tous les moments des jours. Des mois plus tard, j'ai appelé pour lui parler des Entretiens. Catherine G et Alissa Thor m'ont aidé à les transcrire et je me suis mis à les travailler en gardant bien entendu l'entièreté des propos de MD. Un jour CG m'a dit il y aurait des dates, peut-être pas en fin d'année mais en début de celle à venir. En décembre, elle a dit fin février / début mars. Il suffisait de dire oui, en fait de ne pas dire non. Puis de rencontrer des comédiens, mi-janvier je n'en avais pas. Et puis voilà le 6 et 7 mars au théâtre du Temps, 1ère répétition publique, en version courte pour des raisons de bonne raison.

Les grandes expositions publiques déclenchent une sorte d'unanimisme qui est de plus en plus suspect. Outre qu'elles ne sont souvent pas d'actualité, même si elle sont destinées à faire l'actualité, elles sont faites pour plaire à tout le monde. Or en toute raison ça ne devrait pas pouvoir plaire à tout le monde. 

Elles sont chaque fois soutenues par une presse élogieuse, et abondante, et il est de bon ton d'en dire du bien. En tout cas de ne pas en dire du mal. Je me suis fait réprimander en privé et en dîner parce que je m'étonnais de l'exposition de lourds blocs d'immeubles en ruine sous la si jolie verrière du Grand Palais tout juste restaurée qui elle dégageait une légèreté extraordinaire (Monumenta 2007).
Mais pas de raison en effet de dire du mal de la dernière exposition sur Fellini, même si c'est de la culture rabâchée. Et de quel droit dire du mal a priori de la présente exposition de Boltanski au même Grand Palais à Paris? Certes J'aurais préféré qu'il nous fasse entendre le bruit des neurones plutôt que les battements de coeur. J'avoue aussi que l'empilement de vêtements fripes jusqu'au dégout ne m'intéresse guère et pas davantage qu'il ait fait couper le chauffage. De plein droit en revanche, je me révolte contre l'obsession de nous tirer vers la mort qu'a cet homme alors qu'il déclare aimer manger de la blanquette de veau...
Les grandes expositions correspondent au goût des organisateurs, et c'est bien normal, ou à celui supposé du très grand public. Encore qu'en l'occurrence le travail de Boltanski, artiste international autant qu'officiel, ne sera peut-être pas du goût du grand public pourtant si docile, prêt à faire des queues interminables, parce qu'il pense que la culture c'est bien!

A l'école, les enfants apprennent que les mots en eur se transforment en euse au féminin et que si certains mots sont identiques au masculin et au féminin, d'autres sont différents comme cheval et jument. Mais à part exceptions, il doit y en avoir, on ne leur apprend pas vraiment la féminisation des noms de métier qui s'est pourtant largement imposée malgré une ferme opposition des académiciens de France. Ainsi se sont généralisés en pratique les féminins comme auteure, professeure, ingénieure et docteure, qui tient encore à s'appeler docteresse? Et aussi entraineure, dans les disciplines sportives plutôt qu'entraineuse (à moins qu'on préfère dire coach)... Et pourquoi pas éditeure, chanteure, danseure et cultivateure, metteure en scène et réalisateure?... Si l'on objecte qu'à l'oral cela ne se distingue pas, il suffit de prôner la prononciation du e final, comme d'ailleurs cela se fait mal à propos dans bonjour-reu!

Pourquoi le cinéaste Eric Rohmer pensait-il que la langue du Moyen Âge était beaucoup plus précise que la nôtre? Voici sa phrase retranscrite:
«Quand on compare la façon de parler actuellement avec la façon de parler au Moyen Âge, on trouve que nous sommes beaucoup plus lourd et plus obscur. On était beaucoup plus clair à ce moment-là. On disait les choses très simplement et très directement. Tandis que maintenant on emploie très souvent beaucoup de figures, de périphrases etc. Donc de ce coté-là on a perdu...»
Pourquoi donc? Sans doute parce qu'une idée répandue est que ce qui vient de l'origine est plus pur. Pourtant en termes de langue comme en termes de race ce concept est bien douteux. En l'occurrence le français venait du latin, se construisant par intégration de différents apports d'autres langues et de patois locaux.
Certains académiciens d'hier pensaient que la langue la plus précise était celle du 18e siècle. Beaucoup de clercs d'aujourd'hui pensent que la langue contemporaine s'est dégradée par rapport à celle du passé.
Il me semble que maintenant on pourrait s'approcher d'une langue de plus en plus précise en intégrant les logiques contemporaines. Cela a d'ailleurs était son cheminement depuis des siècles. Et ce devrait continuer de l'être si on voulait bien garder vivante cette langue, en tout cas écrite, car la langue parlée elle ne cesse de s'inventer.

Un rapport traitant de "l'avenir de la création sur Internet" vient d'être remis au Ministre dit de tutelle. Certainement intéressant, quoique surréaliste dirait mon voisin de palier, en tout cas au regard de certaines propositions. Croire par exemple qu'on va imposer à la terre entière des mesures telles que le prix unique pour les livres numériques est cocasse ou arrogant et laisse penser que les gens qui ont produit ce rapport ne se rendent pas compte que le système internet est mondial. Glissons du coup vers un point d'achoppement quotidien pour l'acheteur de livres. On ne sait pas pourquoi, mais commander un livre dans une librairie locale implique un délai d'obtention d'une semaine au moins. En revanche en commandant sur le net, le livre arrive par la poste dans les deux ou trois jours sans frais. Il se trouve que l'on doit souvent commander des livres car matériellement tous les livres ne peuvent être stockés localement. Ajoutons que par pur mécanique de marché les librairies de quartier, dont je suis comme beaucoup un grand partisan, ne peuvent avoir en stock que les livres les plus demandés et/ou les livres envoyés d'office par les grandes maisons d'édition...




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